Minou Bonjour : rencontre avec une créatrice de culottes upcyclées
Minou Bonjour, c’est la marque de culotte upcyclées “qui t’invite à lever ta jupe”. Elle a été fondée en 2019 sur Bordeaux. Rencontre avec Justine Clément-Chaperon, fondatrice de la marque, qui a très vite constaté qu’il y avait un réel souci de gaspillage au sein du secteur de la mode et de la couture.
Elle donne seconde vie à des vêtements ou des fins de rouleaux qui étaient destinés à être jetés. Elle récupère les tissus afin de créer de la lingerie : c’est la définition même de l’upcycling ! Elle vous raconte tout de la genèse de son projet, en passant par ses études et la création de son entreprise après avoir été diplômée du CAP Métiers de la Mode et du Vêtement Flou.
Minou Bonjour : un projet articulé autour de la question de durabilité
Justine vous explique comment est née son envie de participer à une mode plus durable, éthique et éco-responsable. Rappelons que l’industrie de la mode est parmi les plus polluantes au monde ! À son échelle, elle propose des alternatives à notre consommation textile en matière de lingerie.
QUELLES ÉTUDES POUR DEVENIR COUTURIÈRE ?
“Avant de monter Minou Bonjour, j’ai fait une mise à niveau en Art Appliqué (ça n’existe plus aujourd’hui). C’est l’équivalent d’un Bac Arts Appliqués. Suite à ça, une première année de BTS graphique. Ça m’a plus, mais je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas autant de créativité que je l’imaginais. Derrière ça, deux années de Licence d’Histoire de l’art. Finalement, je me suis tournée vers un CAP Métiers de la Mode et du Vêtement Flou pour gagner en technique.
À la fin de mes études, j’ai fait la certification des Meilleurs Apprentis de France, qui est très importante. J’ai gagné une médaille d’argent régionale et une médaille d’argent départementale !”
COMMENT EST NÉ LE PROJET MINOU BONJOUR ? DE QUEL CONSTAT SUR LA MODE ?
“J’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de chutes de tissus dans le processus de fabrication d’un vêtement. En faisant des recherches, j’ai découvert que sur un pan de textile, il y a 30 % qui est jeté. C’est énorme quand on voit tout ce qui est engendré rien que pour créer la matière, pour créer le tissu.
Par exemple, on parle souvent du coton qui demande énormément d’eau, de soleil, de temps pour être utilisable. Tout ça pour finir à la poubelle ! J’ai vite compris que c’était quelque chose d’assez global et je me suis demandé comment je pouvais utiliser des petits pans de tissus. Pour ça, il fallait avoir un patron qui était assez petit afin de pouvoir le caler sur des chutes textiles.
Et j’ai toujours aimé la lingerie, pour moi, c’est important de parler aux femmes, j’ai voulu créer une marque qui leur était exclusivement réservée. Pour l’instant, mes culottes vont du XS au XL, mais j’aimerais bien en développer pour les plus grandes tailles. Après je fais aussi du sur-mesure ! Je crée aussi des soutiens-gorges, mais vu qu’ils sont sans armatures pour l’instant, ce n’est peut-être pas le modèle le plus adapté aux plus fortes poitrines selon le maintien souhaité.”
QUEL EST TON PROCESSUS DE PRODUCTION EN MATIÈRE D’UPCYCLING ?
“Il y a plusieurs étapes et plusieurs manières de les faire. Soit, je vais travailler à partir de vêtements, comme j’ai pu le faire avec des robes de mariée que j’avais récupéré au Relais Gironde (un réseau d’entreprise qui assure une activité de collecte, de tri et de recyclage de textiles usagés). La robe de mariée, c’est tout de même le summum de la fast-fashion car ce n’est porté qu’une fois. Il y a un énorme travail dessus, tout cela pour au final n’être portée qu’une journée !
Sinon l’autre processus consiste à récupérer des fins de rouleaux ou des chutes de tissus à d’autres créateurs. Une fois que j’ai le tissu, je fais mon patron et mon montage. Ensuite je m’occupe de la mise en ligne sur mon site et sur les réseaux.”
QU’EST-CE QUI FAIT DE TES PRODUITS DES PRODUITS DURABLES ?
“Je n’achète que des produits qui ont obtenu la certification GOTS, pour faire mes doublures par exemple. C’est une certification à la fois écologique et sociale. Ainsi, un coton GOTS n’est pas uniquement bio. Il a aussi la certification solidaire qui stipule qu’il n’y a pas d’enfants qui ont travaillé dessus, que les horaires de travail sont corrects ou encore que les travailleurs sont rémunérés à un prix normal (suivant le pays dans lequel ils vivent) …
C’est la seule certification qui est faite de manière indépendante par plusieurs groupes, donc on peut être sûr qu’il n’y a de corruption derrière ! Ainsi, les entreprises auxquelles j’achète du tissu ont obtenu cette certification.
Aussi, je privilégie des matières naturelles, je n’utilise pas de synthétique, car il y a des microparticules qui se diffusent lors du lavage en machine ! Le gage de qualité, c’est aussi que c’est du fait main, je prends mon temps pour optimiser le résultat final.
Pour faire perdurer la lingerie, je conseille à mes clientes de faire du lavage à la main ou de les mettre en machine à moins de 30 degrés, et dans un sachet de lavage. Je le précise systématiquement lors de l’achat.
Pour les consommateurs qui souhaitent s’inscrire dans une démarche de consommation durable, il faut vraiment changer sa manière de voir le vêtement. Ce n’est pas quelque chose que tu achètes une fois par semaine, c’est quelque chose que tu achètes de manière ponctuelle et qui va t’accompagner pendant plusieurs années, voir toute ta vie !
L’upcycling, ça peut être un peu difficile comme façon de produire : il y a des toutes petites quantités de tissus. Donc pour élaborer une collection, il faut prendre cela en compte et donc faire des petits produits, ou en quantité très limitée. J’avais trouvé des soies de chez Christian Dior, il n’y avait que 3 ou 4 mètres de tissus. Avec ça, je sais que je peux faire 10 culottes, et c’est tout.”
De quelle manière développer sa marque de façon pérenne ?
Lorsque vous lancerez votre entreprise dans le domaine de la couture, il faudra trouver vos premiers clients. Comme Justine, pensez à développer le concept de votre marque et essayez d’assoir votre notoriété. Réseaux sociaux, événements divers, site internet… N’hésitez pas à diversifier les canaux de communication pour fidéliser votre clientèle !
COMMENT-AS-TU DÉVELOPPÉ TA CLIENTÈLE ? QUELLE EST-ELLE ?
“Ce qui m’a aidé à trouver ma clientèle, c’est d’avoir remporté une campagne de levée de fonds avec Ulule, leur accompagnement appelé Pitch Pitch Women.
Je l’ignorais, mais il y a beaucoup de gens qui vont sur ces plateformes-là, qui précommandent et participent financièrement à un projet. Ça m’a permis de me faire de l’argent, et j’ai trouvé des clientes qui me passent toujours des commandes à l’heure actuelle ! Tous les 2/3 mois, elles me commandent une nouvelle culotte.
En boutique ou sur internet, on voit la récurrence des achats, et je dirais que 60% de mes ventes proviennent de clients fidèles. De même, beaucoup d’hommes passent commande pour offrir de la lingerie à leur copine, pour tous les noëls et anniversaires !
Pour les réseaux sociaux, ça dépend la tranche d’âge visée, mais Instagram reste indispensable. On peut dire qu’Instagram et TikTok sont les deux réseaux à prioriser. Tu peux toucher ton public de niche et trouver des clients fidèles, qui reviennent t’acheter des produits régulièrement. Et il y a le bouche-à-oreille aussi.
Facebook reste utile pour partager des événements en ligne, mais la tranche d’âge concernée est moins jeune que celle de mon public. Sur Instagram, tu restes proche des personnes. En faisant de jolies photos, quand une personne tombe sur ton profil, elle peut te contacter en un clic. Il y a aussi une boutique en ligne qui permet d’acheter directement.”
COMBIEN SORS-TU DE COLLECTIONS CHAQUE ANNÉE ?
“Contrairement à la fast-fashion, pour la haute-couture, il y a assez peu de collections par an : il y en a entre 4 et 12 (collection hommes et femmes confondues). Moi, je ne fonctionne pas en collection, mais en arrivages textiles.
Il y a un modèle type que j’applique à chaque tissu, mais je suis en train de développer tout ça. Je tends à diversifier mon modèle de culottes et je vais proposer plus de soutiens-gorges, mais aussi des shorts et des caleçons !”
AS-TU DES EMPLOYÉS ? DES STAGIAIRES ?
“Je n’ai pas d’employé, mais j’ai régulièrement des stagiaires. J’aime beaucoup prendre des stagiaires, car généralement, ils ont énormément d’idées, ça créé des échanges très intéressants. Je leur fais faire de la production, mais surtout, je leur montre les endroits où je vais chiner mes tissus.
J’ai amené la stagiaire que j’ai actuellement sur un shooting, à mon atelier de production aussi. J’essaye de lui montrer tous les aspects du métier. Par exemple, elle a fait une production de chouchous, des photos packshot, elle a élaboré le prix et fait la mise en ligne et les publications Instagram. Elle était très contente de pouvoir participer à l’ensemble du processus.”
En bref, Minou Bonjour est l’exemple type d’une marque qui s’inscrit dans une démarche de durabilité. Qualité des créations, anti-gaspillage, centralisation de la production… Justine nous montre qu’il y a un océan de possibilités au niveau des alternatives à la fast-fashion.
Dans votre projet professionnel, vous pourrez, vous aussi, tout à fait inclure des valeurs éthiques, sociales et écologiques. Nourrissez-vous de l’expérience de Justine pour développer votre propre concept. Et gardez à l’esprit que de plus en plus de consommateurs sont sensibilisés aux questions de mode durable !