Thierry Marx président de l’UMHI : revaloriser les métiers de bouche
Récemment élu président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMHI), Thierry Marx compte bien revaloriser les métiers de bouche. Le chef étoilé, figure publique bien connu du PAF français grâce à de célèbres émissions culinaires, est depuis longtemps engagé à partager sa passion pour la cuisine.
Développer l’accès à la formation, repenser l’attractivité des métiers, tendre vers un secteur plus éco-responsable, changer les habitudes du consommateur… L’homme multi-tâche compte bien profiter de ses 4 années de présidence pour bousculer les habitudes et redynamiser l’hôtellerie – restauration.
Repenser les métiers de bouche et la formation professionnelle
Depuis la crise du coronavirus, il n’y a de doute que l’hôtellerie-restauration connait une crise sectorielle importante. En effet, le manque de main d’œuvre devient difficile à palier pour nombre de professionnels. “6 employeurs sur 10 ont du mal à embaucher”1. C’est un triste constat que dresse Mathilde Serrell, journaliste sur France Inter.
Dans un entretien accordé à Thierry Marx le 02 novembre, ils reviennent sur les différentes mesures à prendre pour rendre le secteur plus attractif. Surtout, sur les profondes évolutions à mettre en place, autant pour les consommateurs que pour les professionnels. Effectivement, en prenant la tête de l’UMHI, le premier syndicat patronal de l’hôtellerie restauration, il compte bien inculquer l’idée que “l’alimentation est un combat politique”2.
Pour Thierry Marx, il est plus que nécessaire de revoir les modes de fonctionnements du secteur afin de motiver le plus grand nombre à se passionner pour ces métiers d’avenir. Restauration, pâtisserie, boulangerie, chocolaterie, crêperie… Pour lui, il est indispensable d’améliorer les conditions salariales et de développer l’attractivité de ces métiers. Il a plusieurs propositions pour revaloriser le domaine d’activité et le faire évoluer dans une logique de durabilité.
REPENSER LES MODES D’ACCÈS AU SECTEUR : UN IMPÉRATIF
Initiateur de la cuisine moléculaire en France et habitué du petit écran, Thierry Marx, chef cuisinier de renom, compte bien profiter de sa notoriété pour faire prospérer son secteur d’activité. Pour lui, depuis toujours, la transmission des savoir-faire et l’amour de l’artisanat sont de puissants vecteurs de pérennisation de l’hôtellerie-restauration.
“J’étais un artisan, je suis un artisan et je resterais toujours un artisan”3. Ainsi, pour redynamiser ces métiers, il propose de mettre en place plusieurs mesures :
- Proposer une formation professionnelle accessible et rapide : l’importance de créer des vocations en facilitant l’accès à la formation à tous ceux qui souhaiteraient développer un projet autour des métiers de bouche. Aussi, rapprocher des personnes éloignées de l’emploi vers l’hôtellerie-restauration. Permettre des formations rapides pour une insertion tout aussi rapide sur le marché du travail.
- Repenser l’attractivité sociale des métiers de l’hôtellerie-restauration : redynamiser le secteur, c’est aussi un projet social. Ainsi, il tend à vouloir améliorer les conditions des travailleurs (horaires, jours de pause, revalorisation des salaires, protection santé, mutuelle, etc.).
Militer pour une approche plus éco-responsable des métiers de bouche
L’industrie agro-alimentaire est la plus polluante au monde. L’hôtellerie-restauration, afin de pouvoir exercer, se voit dans l’obligation de se fournir nombre de ses matières premières en grande quantité. Sans oublier que le tourisme, une des ressources financières principales du secteur, n’est pas en reste au niveau de l’impact négatif de son bilan carbone.
Devant les urgences climatiques, il est plus qu’impératif de revoir nos pratiques, tant d’un point de vue industriel que consumériste. Ainsi, la question de l’écologie est aussi devenue le cheval de bataille de Thierry Marx. Pour lui, il est nécessaire et urgent de se poser les bonnes questions. Aussi, de revoir certaines pratiques, pourtant bien ancrées au sein des métiers de bouche.
TENDRE À DÉCARBONER LE TOURISME ET LA RESTAURATION
La décarbonisation, c’est le processus qui tend à réduire pas à pas la consommation d’énergies primaires (à l’image des énergies fossiles) responsables d’émission de gaz à effet de serre, facteur majeur du dérèglement climatique. Ainsi, la question n’est pas de mettre fin à l’industrie de l’hôtellerie-restauration, mais plutôt de modifier progressivement ses usages.
Lors de son interview avec France Inter, Thierry Marx a exposé ce qu’il a déjà mis en place, à son échelle, pour aller dans ce sens. Sa présidence à l’UMHI a aussi pour but d’amener à réfléchir à des solutions transposables au plus grand nombre, inscrites dans une logique de durabilité :
- Décarboner l’assiette : être plus attentif au contenu de nos assiettes. Utiliser de bons produits, non transformés.
- Privilégier les circuits courts : par exemple, dans son nouveau restaurant – Madame Brasserie – au premier étage de la tour Eiffel, la carte est uniquement composée de produits provenant de moins de 200 km à la ronde. L’idée est de relocaliser les approvisionnements. Thierry Marx cite l’importance des associations aidant à mettre tout ceci en place, notamment pour le monde agricole, à l’image de Bleu Blanc Cœur.
- Limiter le gaspillage alimentaire : “Il y a 10 millions de tonnes de nourriture perdue chaque année”4. Pour lutter contre la surconsommation, il faut éviter le low cost (des petits prix, de la quantité, en dépit de la qualité).
- Tendre vers le tourisme vert : favoriser des modes de transports peu polluants ou limiter les déplacements inutiles. Pour les entreprises rurales, Marx évoque la possibilité de faire des crédits d’impôts (une réduction des impôts pouvant donner lieu à un remboursement) afin de faire la transition HQE (Haute Qualité Environnementale).
L’importance de mettre en place une nouvelle politique alimentaire
En devenant président de l’UMHI, Thierry Marx a aussi mis en avant le fait que l’alimentation, en plus d’être une question de santé publique, est aussi un combat politique. Devant le micro de Mathilde Serrell, il parle d’une alimentation à deux vitesses :
- D’un côté, les personnes qui vont bien et qui ont les moyens de faire attention à leur alimentation et de manger correctement.
- De l’autre, celles qui ont “un reste à vivre faible et qui sont condamnées à manger des plats ultra-transformés” 5.
Devant ce constat, c’est bien la notion d’alimentation low cost qui est pointée du doigt. Et cela reste d’autant plus visible au sein des classes populaires. Pour Thierry Marx, il faut mettre en place des changements sur du long terme pour réussir à inverser cette tendance.
Dans son entretien avec Le Monde, il questionne : “Pourquoi, quand j’étais môme, j’allais manger un jambon-beurre dans un bistrot de quartier et qu’aujourd’hui les nouvelles générations vont dans les enseignes de burgers ? En Italie, en Espagne, au Portugal, on trouve encore une cuisine accessible, en lien avec l’agriculture locale, rurale. En France, on a perdu ça.”6
En somme, il faut pouvoir redéfinir l’offre et remettre la santé du consommateur et les bons produits locaux sur le devant de la scène, tout en restant abordables. Pour ce faire, plutôt que de rester sur de la politique au sens propre qu’il juge “trop idéologique”, il prône plutôt la mise en place de solutions concrètes et durables. À l’image de celles que de nombreuses associations ont déjà mises en place (cf : Bleu Blanc Cœur).
ÉDUQUER LE CONSOMMATEUR ET FORMER LE PROFESSIONNEL
Pour Thierry Marx, le changement à opérer dans notre rapport à l’alimentation doit passer par le consommateur autant que par les pratiques des professionnels de la gastronomie. Pour lui, il faut éduquer les plus jeunes très tôt à ces sujets : il préconise des cours de cuisine à l’école dès 6 ans. Il voudrait mener un combat avec les ministères concernés afin de créer un “programme pédagogique qui fera le mangeur de demain”7.
Donc, passer par la sensibilisation pour faire évoluer les mentalités, base même de nombreuses luttes associatives. Il donne aussi une grande importance à la formation professionnelle, notamment aux métiers de la cuisine.
Il faut alors favoriser l’inclusion sociale. Soit, aider chacun à apprendre un métier et surtout, mettre en place un projet professionnel permettant un épanouissement personnel. Les métiers de l’hôtellerie-restauration peuvent intéresser, d’autant plus qu’ils permettent un retour à l’emploi rapide.
Sans oublier les personnes désireuses d’apprendre le métier par passion, comme celles qui sont en reconversion professionnelle ou en réorientation. Les futurs travailleurs seront donc aussi directement impliqués dans la mise en place des changements à opérer dans notre rapport à notre alimentation. D’où l’importance du développement de la formation professionnelle.
Il n’y a de doute que Thierry Marx et les équipes de l’UMHI ont encore du travail à accomplir pour réussir à revaloriser les métiers de bouche. Rendre les métiers attractifs, prendre en compte la dimension d’éco-responsabilité ou encore améliorer l’alimentation des Français… Des changements nécessaires et des enjeux importants, rendus possibles en mettant en places des actions concrètes dès à présent.
Sources :
1. Mathilde Serrell, Thierry Marx. Thierry Marx : l’alimentation, un sport de combat ? France Inter. 02 novembre 2022. 21 min.
2. Léon Pajon (20 octobre 2022). Thierry Marx : l’alimentation est un combat politique. Le Monde. https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2022/10/20/thierry-marx-l-alimentation-est-un-combat-politique_6146668_4497319.html
3. Mathilde Serrell, Thierry Marx. Op. Cit.
4. Ibid.
5. Ibid.
6. Léon Pajon. Op. Cit.
7. Mathilde Serrell, Thierry Marx. Op. Cit.